L’écocatalyse, technologie phare de BIOINSPIR
Le Pr. Claude Grison, directrice du laboratoire de Chimie bio-inspirée et innovations écologiques au CNRS et à l’Université de Montpellier, nous explique ce qu’est l’écocatalyse®, invention qui a conduit à plus de 30 brevets CNRS et 11 prix scientifiques dont le prix de l’Inventeur Européen 2022 et la médaille de l’Innovation du CNRS 2014.
Pr. Grison, tout d’abord en des termes simples, quel est le concept de l’écocatalyse® ? Et comment est-il né ?
J’ai initié l’écocatalyse® il y a 14 ans, en 2008. Déjà à cette époque, j’étais chimiste ET très sensible à l’environnement et l’écologie ; je cherchais une valorisation économique, à des solutions écologiques qui avaient été développées pour régler des problèmes environnementaux. Cette valorisation a conduit à la création d’une première génération de catalyseurs métalliques entièrement biosourcés. Ce sont les tous premiers écocatalyseurs® !
Pouvez-vous préciser quels problèmes environnementaux l’écocatalyse® permet-elle de soutenir économiquement ?
Initialement, avec mon équipe de recherche, nous nous sommes intéressés à la dépollution des sols contaminés par des éléments métalliques comme du zinc, du nickel, ou encore du manganèse. Certaines plantes sont capables d’accumuler en grande quantité cette pollution, mais les feuilles mortes constituent une nouvelle forme de pollution. Notre travail a donc été de trouver une utilité à la plante chargée en éléments métalliques. C’est tout naturellement, qu’en tant que chimiste, j’ai eu l’idée d’utiliser ces plantes contaminées et de les transformer en écocatalyseurs®, pour catalyser des réactions en chimie organique. Les premiers écocatalyseurs®, Eco1-Zn, Eco1-Ni et Eco1-Mn, ont été développés et sont utilisés par mon équipe depuis une dizaine d’années. En plus de valoriser des problèmes écologiques, les écocatalyseurs® ont une structure chimique particulière, du fait de leur origine végétale, qui leur confère une réactivité inédite en synthèse organique.
Dès 2014, nous avons étendu nos thématiques de recherche au problème de la pollution aquatique. Avec un tel été, le grand public s’est aussi rendu compte de la nécessité de protéger les ressources en eau douce. Nous avons donc créé de véritables filtres végétaux capables de retenir de nombreux éléments métalliques stratégiques et en grande quantité, comme le palladium, le platine, le rhodium, le cérium, le cobalt, le zinc, le nickel, le manganèse et le cuivre. Mais comme pour les plantes dépolluantes du sol, il fallait que ces filtres végétaux ne constituent pas un déchet. Ainsi après transformation, nous les avons valorisés en écocatalyseurs® de seconde génération, Eco2-Pd, Eco2-Pt, Eco2-Ce, Eco2-Zn, Eco2-Ni, Eco2-Mn et Eco2-Cu. Ces nouveaux écocatalyseurs® sont toujours de très haute performance en catalyse chimique !
En 2020, après une dizaine d’années de recherche, nous avons créé la start-up, BIOINSPIR, qui développe industriellement les procédés utilisant des écocatalyseurs®. BIOINSPIR travaille avec nos écocatalyseurs® de troisième génération, Eco3-bases et Eco3-acides, qui dérivent de plantes aquatiques et semi-aquatiques envahissantes. Dans le jargon écologue, elles sont qualifiées d’Espèces Exotiques Envahissantes (EEE).
BIOINSPIR participe activement à la gestion des EEE qui prolifèrent dans de nombreuses zones humides en France. Or on sait aujourd’hui que les zones humides jouent un rôle important dans la régulation des extrêmes climatiques et des excédents d’eau. Les zones humides diminuent trois fois plus vite que les forêts. Elles sont notamment asséchées par l’agriculture, polluées et appauvries à cause du développement anarchique des EEE.
Donc BIOINSPIR est une jeune entreprise de chimie organique qui, grâce aux ressources économiques apportées par les écocatalyseurs®, est engagée en écologie ! En plus de participer à la préservation des zones humides, BIOINSPIR s’engage également en chimie verte. BIOINSPIR fabrique des écocatalyseurs® entièrement biosourcés, qui permettent de remplacer des catalyseurs chimiques classiques, dont la préparation génère une empreinte environnementale importante.
Si on s’intéresse maintenant à la chimie développée par BIOINSPIR. Quelles sont les réactions que BIOINSPIR revisite grâce à l’écocatalyse® ?
BIOINSPIR travaille avec les derniers écocatalyseurs® que nous avons développés. BIOINSPIR utilise notamment des Eco3-acides, qui se comportent comme des acides de Lewis puissants permettant de catalyser de nombreuses réactions. Par exemple, un Eco3-acide, a permis la première synthèse 100% végétale d’un solvant vert, l’Ecocétal®, commercialisé par BIOINSPIR.
BIOINSPIR prépare également des Eco3-bases qui permettent, entre autres, de réaliser des réactions de trans-fonctionnalisation et de création de liaisons carbone-carbone. Ce sont des réactions très fréquentes en chimie, que BIOINSPIR est capable de reproduire mais en conditions douces et très efficacement.
Donc l’écocatalyse®, en plus d’utiliser des catalyseurs biosourcés, permet de développer des procédés chimiques plus écoresponsables ?
Oui exactement ! Pour être en cohérence avec les solutions écologiques à l’origine des écocatalyseurs®, BIOINSPIR développe des procédés respectueux de la nature avec une empreinte environnementale la plus faible possible. L’objectif principal est de limiter tous les intrants chimiques. Pour certaines synthèses, aucun ingrédient utilisé ne dérive de la pétrochimie, conduisant à des molécules entièrement biosourcées. Bien sûr aucun ingrédient toxique pour l’homme et l’environnement n’intervient dans nos synthèses.
Le procédé de synthèse en lui-même est optimisé énergétiquement. Nous essayons par exemple de trouver un compromis entre rendement maximal dans un temps imparti et température modeste.
Les solvants utilisés sont systématiquement verts. La quantité utilisée est optimisée pour être minimale. Et de toute façon lorsqu’on en utilise, les solvants sont recyclés. Quand cela est possible, le procédé est même adapté en l’absence de solvant.
Les écocatalyseurs® sont aussi recyclés un grand nombre de fois. Cela nous permet de ne générer que très peu voire aucun déchet.
Peut-on ainsi qualifier l’écocatalyse® développée par BIOINSPIR de révolution verte en chimie ?
Oui tout à fait ! C’est même bien plus que de la chimie verte. On peut dire que BIOINSPIR repousse les limites de la chimie verte ! C’est une chimie au service du développement durable. On peut la qualifier de chimie durable et écologique.
En fait, c’est ça l’écocatalyse : c’est une chimie issue de la nature et qui respecte la nature !
Et quels sont les produits issus de l’ écocatalyse® que BIOINSPIR développe actuellement ? Sont-ils déjà commercialisés ?
Oui ils sont disponibles sur commande. Les produits développés répondent à une demande sociétale forte, qui sont des produits à haut degré de naturalité. Certains d’entre eux sont déjà labellisés COSMOS.
Les applications des produits synthétisés par BIOINSPIR sont principalement dans le domaine des cosmétiques, des parfums et de la chimie fine moderne.
Article écrit par Claire Grison – Ingénieur en Biochimie, Docteur en Chimie Organique et Rédactrice Scientifique